Dans les paysages urbains peints par Fernand Léger dans les années vingt, les lettres, pictogrammes et enseignes rendent compte du langage synthétique des outils de communications modernes, adaptés à la vitesse des transports et du rythme de vie. Les trois premières lettres de l'alphabet, ABC, peuvent être interprétées comme une vision condensée de ce langage nouveau qui se doit d'être bref et percutant. C'est aussi une référence au nom d'un music-hall parisien fréquenté par les artistes. ABC peut enfin être lu comme une dédicace « A Blaise Cendrars », poète et ami de Léger qui écrit dans la revue l'ABC du cinéma et fait l'éloge à la publicité : « la publicité est la plus belle expression de son époque, la plus grande nouveauté du jour, un Art ».
Léger partage cet engouement et invente pour cette œuvre une typographie spécifique. Le A est en perspective tronquée, le B est plus statique, quant au C, il se referme sur une imbrication de formes géométriques placées en second plan. ABC signale le renouvellement du genre de la nature morte par l'introduction de lettres isolées, souvent privées de leur sens, symbole de la perception fragmentaire de la vie moderne.
Don de Daniel-Henry Kahnweiler, 1973
Musée national Fernand Léger Inv. MNFL 97030