Picasso commença par La Guerre. Un corbillard tiré par des chevaux de guerre, caparaçonnés et harnachés, est conduit par un être cornu, armé d’un coutelas ensanglanté. Il porte sur le dos une sorte de hotte où sont entassés des crânes humains. D’autres personnages apparaissent en ombres chinoises dans le fond au centre du tableau. Leur attitude est menaçante comme la première figure évoquée. Les trois chevaux qui tirent le catafalque instable et chaotique, foulent des pieds un livre ouvert, finissant le travail de destruction que les flammes, qui le dévorent, ont commencé de faire.
Le livre, ici piétiné, évoque le parti pris de toute dictature face à la culture, généralement considérée comme dangereuse et subversive. Sur le même plan, deux mains peintes apparaissent dans une sorte de trou noir. Elles peuvent vouloir faire écho à celles trouvées sur la paroi de certaines grottes préhistoriques, notamment à celle de Lascaux, découverte alors depuis seulement quelques années. En fort contraste avec les couleurs violentes qui environnent le sinistre attelage. le fond bleu où apparaît le combattant de la paix, est calme et apaisant, à l’instar de ce dernier.
Nu, muni d’une lance qui sert de support à la balance de la justice, il se protège d’un simple bouclier sur lequel l’artiste a dessiné une colombe, symbole bien connu de la paix. L’homme semble affronter sans crainte les figures de sauvagerie qui se ruent vers lui.
Sur le bouclier blanc, comme en filigrane derrière la colombe, un portrait se donne à voir, d’une beauté toute sereine aussi. C’est celui de la compagne de l’artiste, Françoise Gilot. A l’opposé, pratiquement à la même hauteur, une coupelle arrondie et blanche, laisse échapper d’étranges formes noires, munies de pinces ou de piquants. Elles pourraient évoquer les recherches faites alors par les grandes puissances pour se doter de l’arme bactériologique.
Pablo Picasso, La Guerre, 1952, huile sur bois, isorel, 4,70 m x 10,20 m, musée national Pablo Picasso, La Guerre et la Paix, Vallauris. Photo : © RMN-GP © Succession Picasso, 2021.