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"La Guerre et la Paix", temple classique et caverne moderne

Anne Dopffer, dans "Picasso, les années Vallauris", catalogue d'exposition, Réunion des musées nationaux - Grand Palais, Paris, Juin 2018

"La Guerre et la Paix", temple classique et caverne moderne
"War and Peace", classical temple and modern cave
"Guerra e Pace", tempio classico e grotta moderna

 

par Anne Dopffer

 

Texte en français
Text in english
Testo in italiano


FR "La Guerre et la Paix", temple classique et caverne moderne

 

Dans l’abondante œuvre de Picasso, La Guerre et la Paix occupe une place singulière. Cette œuvre cardinale s’inscrit dans la lignée des œuvres engagées : Guernica (1937), Le Charnier (1944-1946) ou Massacre en Corée (1951). Moins connue que ses illustres aînées, elle n’est visible qu’à Vallauris où le voyageur curieux doit se déplacer pour une expérience de visite unique : l’immersion totale dans une œuvre qui couvre murs et plafond du narthex1  d’une chapelle romane.
Le projet de cette œuvre in situ serait né à l’automne 1951, au cours d’un banquet donné par les potiers de Vallauris en l’honneur de Picasso, à l’occasion de son soixante-dixième anniversaire2. L’artiste est fêté par les Vallauriens car il a pris une place importante dans le village : trois ans déjà qu’il y vit avec sa famille ; quatre ans qu’il pratique la céramique chez Madoura ; deux ans qu’il a offert L’Homme au mouton à la Ville dont il a été fait citoyen d’honneur. Il entretient des relations chaleureuses avec nombre de Vallauriens dont il partage la vie industrieuse. L’idée de lui faire décorer une chapelle est dans l’air du temps : Matisse vient d’inaugurer celle des Dominicaines à Vence ; Chagall a un projet similaire dans la même ville.
L’artiste saisit cette invitation à orner une chapelle médiévale classée de la ville pour servir une cause politique qui lui était chère : celle de la paix. C’est en effet l’époque où « Picasso était en guerre avec la guerre3 », et il imagine rapidement de transformer l’ancien lieu de culte en un laïque « Temple pour la Paix4 ». En acceptant cette invitation, Picasso relève un défi, celui – assez nouveau pour lui – de se confronter à la force architecturale d’un lieu déjà existant.
L’espace proposé est noble mais complexe : il s’agit d’une chapelle médiévale déconsacrée, accolée à un bâtiment Renaissance, appelé « château », qui est en fait un ancien prieuré des moines de Lérins. Cette belle et haute chapelle cistercienne est précédée par le narthex, petit vestibule, à la voûte basse qui ouvre directement sur la place du village. Le récit de Claude Roy, témoin de la genèse de l’œuvre, nous éclaire sur le cheminement de la pensée de Picasso : « Il rêve de faire du vieux sanctuaire déserté une sorte de « temple pour la paix », d’utiliser les deux grands panneaux et la voûte de l’autel pour y placer deux vastes peintures et (il hésite encore) soit, au centre, une statue, soit un troisième panneau. La municipalité de Vallauris lui a donné carte blanche5. » Picasso renonce finalement à l’espace de la chapelle : « Elle est beaucoup trop belle pour qu’on l’abîme6 », dira-t-il plus tard, jetant son dévolu sur la petite avant-nef qui donne sur la place du village.

[…]

Pendant deux mois, Picasso y travaille dans le plus grand secret, souvent la nuit, à la lumière électrique. Il raconte plus tard le processus à Claude Roy : « J’avais rempli des carnets entiers de croquis, de détails, mais je n’avais aucune esquisse de l’ensemble. J’ai commencé par la guerre. Ce qui s’est d’abord imposé à moi, c’est la course déguingandée (sic) et cahotante de ces corbillards de province, minables et grinçants, qu’on voit passer dans les rues des petites villes. J’ai commencé par la droite et c’est autour de cette image que tout le reste s’est construit7. »
Picasso déroule sa composition en frise à la manière d’un bas-relief antique. De droite à gauche : le char de la mort, tiré par les chevaux du deuil, qui piétinent un livre en feu, est stoppé par le bouclier blanc du soldat de la Paix. De l’autre côté, pour la Paix, à nouveau une frise qui débute par un déjeuner sur l’herbe : une famille autour d’un foyer, puis le bleu de la mer labourée par Pégase – emblème de l’inspiration poétique guidé cette fois par un enfant –, une bacchanale joyeuse d’où part un fantastique stabile-mobile dans lequel les hirondelles volent dans un bocal et les poissons nagent dans une cage à oiseau. Les panneaux seront placés face à face. Cette disposition spatiale exprime avec force la dualité entre le mal / la destruction et le bien / la création. Cruauté et tendresse : deux pôles de la création picassienne mis en présence mais séparés dans une opposition absolue, presque manichéenne8.

[…]

L’œuvre est mise en place en 1954. En réponse à l’exiguïté du lieu, Picasso vient d’installer avec audace une œuvre monumentale de près de cent mètres carrés qui couvre les murs et le plafond, créant ainsi un continuum spatial immersif : la courbure des voûtes est traitée en firmament de peinture dans lequel règne un soleil-diamant. Sur les parois, de grandes allégories dont le sens de lecture – donné par le mouvement des personnages – va de la droite vers la gauche, accompagnant le mouvement du visiteur qui avance dans l’espace. Il découvre d’abord les horreurs de la guerre sur sa droite, visite la chapelle romane9, et revient sur ses pas découvrir les délices de la paix avant de ressortir. La référence aux temples antiques est manifeste dans les compositions en frise des peintures mais également dans le cheminement vers l’espace sacré d’un naos.
Donnée à l’État en 1956, l’œuvre n’est inaugurée qu’en 1959. Dans l’intervalle, elle se voit ajouter un dernier panneau qui bouleverse complètement la scénographie initiale. En 1958, Picasso accepte de peindre un panneau supplémentaire : Les Quatre parties du monde, pour cacher la porte donnant sur la place du village. Cet accès direct condamné, l’entrée se fait désormais par la cour intérieure du prieuré : le visiteur pénètre d’abord dans la chapelle romane à l’austérité cistercienne avant de descendre quelques marches pour plonger dans l’œuvre de Picasso, éclairée seulement par des lampes électriques dissimulées derrière un muret de brique.
L’espace fermé, privé de lumière naturelle évoque désormais une grotte aux peintures pariétales. Picasso s’exclame : « Il ne fait pas très clair dans cette chapelle, et je voudrais presque qu’on ne l’éclaire pas, que les visiteurs aient des bougies à la main, qu’ils se promènent le long des murs comme dans des grottes préhistoriques, découvrant les figures, que la lumière bouge sur ce que j’ai peint, une petite lumière de chandelle10 … » Dans les faits, la lumière des bougies est insuffisante, mais il arrive parfois que soient proposées des visites à la lampe torche, rituel qui renvoie aux grottes préhistoriques. Cette référence va devenir constante, en particulier après que Georges Salles11, inaugurant le lieu, l’a comparé à Lascaux. Le temple s’est mué en caverne.

 

1 Ce terme architectural désigne un vestibule ou une avant-nef d’un édifice religieux.
2 Autour de lui, quelques Vallauriens, parmi lesquels René Batigne (1888-1982), s’ingénient en effet à créer là un musée pour Vallauris en organisant des expositions dans la chapelle, dont l’une des premières en 1949 comprend L’Homme au mouton.

3 Roy, 1954, p. 39.
4 Françoise Gilot a rapporté que Picasso n’utilisait pas ce terme de « Temple pour la Paix » mais se référait au titre de l’œuvre,
La Guerre et la Paix. Toutefois, l’incontestable fortune critique du terme, systématiquement repris par la presse ou même par ses amis comme Claude Roy, justifie que l’on continue de s’y référer.
5 Roy, 1954, p. 35.
6 Georges Tabaraud, « L’hommage à Pablo Picasso de dimanche prochain », dans Le Patriote de Nice et du Sud-Est, 26 juin 1958.
7 Roy, 1954, p. 42.
8 En 1953, alors que l’œuvre est achevée, Picasso exécute de nouveaux dessins sur ce thème : les forces de la guerre et de la paix s’y affrontent alors souvent directement sur la même page.
9 Picasso a songé un temps à ajouter un élément dans la chapelle – une colombe, entre autres idées – avant d’y renoncer.
10 Roy, 1954, p. 43.
11 Georges Salles (1889-1966), historien de l’art, ami de Picasso.



 

 

EN "War and Peace", classical temple and modern cave

 

In Picasso's abundant work, La Guerre et la Paix1 occupies a singular place. This cardinal work is in line with his other political works: Guernica (1937), Le Charnier2 (1944-1946) or Massacre en Corée3 (1951). Less well known than these iconic works, it can only be seen in Vallauris, where the curious visitor must travel for a unique visual experience: total immersion in a work that covers the walls and ceiling of the Romanesque chapel’s narthex4.
The project of this work in situ would have been born in the autumn of 1951, during a banquet given by the potters of Vallauris in honour of Picasso, on the occasion of his seventieth birthday5. The artist is celebrated by the people of Vallauris because he has taken an important place in the village: three years already that he has settled there with his family; four years that he has been practising ceramics at Madoura's; two years that he has offered L'Homme au mouton6 to the town which made him an honorary citizen. He maintains warm relations with many Vallaurians, with whom he shares industrious life. The idea of having him decorate a chapel is in the spirit of the times: Matisse has just inaugurated the chapel of the Dominican Sisters in Vence; Chagall has a similar project in the same town.
The artist seized this invitation to decorate a listed medieval chapel in the town to serve a political cause that was dear to him: peace. It was indeed the time when "Picasso was at war with the war7", and he quickly imagined transforming the former place of worship into a secular "Temple for Peace8 ". By accepting this invitation, Picasso took up the challenge - quite new for him - of confronting the architectural strength of an already existing place.

The proposed space is noble but complex: it is a deconsecrated medieval chapel, adjoining a Renaissance building, called a "castle", which is in fact a former priory of the monks of Lérins. This beautiful and high Cistercian chapel is preceded by the narthex, a small vestibule with a low vault that opens directly onto the village square. Claude Roy's testimony, witnessing the genesis of the work, enlightens us on the path of Picasso's thought: "He dreams of making the old deserted sanctuary a sort of 'temple for peace', using the two large panels and the vault of the altar to place two large paintings and (he still hesitates) either, in the centre, a statue or a third panel. The municipality of Vallauris gave him carte blanche9." Picasso finally gave up the space of the chapel: "It is much too beautiful to be damaged10", he would later say, setting his sights on the small narthex opening on the village square.

[…]

For two months, Picasso worked there in the greatest secrecy, often at night, under electric light. He later recounted the process to Claude Roy: "I had filled entire notebooks with sketches and details, but I had no sketch of the whole. I started with the war. What first imposed itself on me was the jolting, jerky, sicky run of those provincial hearses, shabby and squeaky, that you see going through the streets of small towns. I started on the right and it is around this image that everything else was built11."

Picasso unrolls his frieze composition in the manner of an antique low-relief. From right to left: the chariot of death, drawn by the horses of mourning, trampling a burning book, is stopped by the white shield of the soldier of peace. On the other side, for Peace, once again a frieze that begins with a lunch on the grass: a family around a fireplace, then the blue of the sea plowed by Pegasus - emblem of the poetic inspiration guided this time by a child -, a joyful bacchanal from which starts a fantastic stabile-mobile in which swallows fly in a jar and fish swim in a birdcage. The panels will be placed face to face. This spatial arrangement forcefully expresses the duality between evil / destruction and good / creation. Cruelty and tenderness: two poles of Picassian creation brought together but separated in absolute, almost Manichean opposition12.

[...]

The work was set up in 1954. In response to the narrowness of the space, Picasso had just boldly installed a monumental work of almost one hundred square metres covering the walls and ceiling, creating an immersive spatial continuum: the curvature of the vaults is treated as a painting firmament in which a sun-diamond reigns. On the walls are large allegories whose reading direction - given by the movement of the characters - goes from right to left, accompanying the movement of the visitor as he moves through the space. He first discovers the horrors of war on his right, visits the Romanesque chapel13 and retraces his steps to discover the delights of peace before going out again. The reference to the ancient temples is evident in the frieze compositions of the paintings but also in the journey to the sacred space of a naos.
Given to the State in 1956, the work was not inaugurated until 1959. In the meantime, a final panel was added which completely overturned the initial scenography. In 1958, Picasso agreed to paint an additional panel: Les Quatre parties du monde14, to hide the door to the village square. As this direct access was condemned, the entrance is now via the inner courtyard of the priory: the visitor first enters the Romanesque chapel and its Cistercian austerity before descending a few steps to plunge into Picasso's work, illuminated only by electric lamps hidden behind a brick wall.
The closed space, deprived of natural light, now evokes a cave with cave paintings. Picasso exclaimed: "It is not very bright in this chapel, and I almost wish it was not lit, that visitors had candles in their hands, that they walk along the walls as in prehistoric caves, discovering the figures, that the light moves on what I have painted, a small candlelight15 ...". In fact, candlelight is insufficient, but sometimes visits to the torchlight are offered, a ritual that refers to prehistoric caves. This reference will become constant, especially after Georges Salles16, who inaugurated the place, compared it to Lascaux. The temple turned into a cave.

1 War and Peace
2 The mass grave
3 Massacre in Korea
4 This architectural term refers to a vestibule or forecourt of a religious building.
5 Around him, a number of Vallaurians, including René Batigne (1888-1982), in fact set about creating a museum for Vallauris there by organising exhibitions in the chapel. One of the first in 1949 included L'Homme au mouton.
6 The man with the sheep
7 Roy, 1954, p. 39.
8 Françoise Gilot reported that Picasso did not use the term "Temple for Peace" but referred to the title of the work, War and Peace. However, the unquestionable critical fortune of the term, systematically taken up by the press or even by friends such as Claude Roy, justifies continuing to refer to it.
9 Roy, 1954, p. 35.
10 Georges Tabaraud, "L'hommage à Pablo Picasso de dimanche prochain", in Le Patriote de Nice et du Sud-Est, June 26th, 1958.
11 Roy, 1954, p. 42.
12 In 1953, when the work was completed, Picasso executed new drawings on this theme: the forces of war and peace then often confront each other directly on the same page.
13 Picasso thought for a while about adding an element to the chapel - a dove, among other ideas - before giving it up.
14 The four parts of the world
15 Roy, 1954, p. 43.
16 Georges Salles (1889-1966), art historian, friend of Picasso.

 

 

IT "Guerra e Pace", tempio classico e grotta moderna

 

Nell'opera abbondante di Picasso, La Guerre et la Paix1 occupa un posto singolare. Quest'opera cardinale è in linea con le altre sue opere: Guernica (1937), Le Charnier2 (1944-1946) o Massacre en Corée3 (1951). Meno conosciuta dei suoi illustri predecessori, si può vedere solo a Vallauris, dove il viaggiatore curioso deve viaggiare per un'esperienza di visita unica: immersione totale in un'opera che ricopre le pareti e il soffitto del nartece4  di una cappella romanica.
Il progetto di quest'opera in situ sarebbe nato nell'autunno del 1951, durante un banchetto tenuto dai ceramisti di Vallauris in onore di Picasso, in occasione del suo settantesimo compleanno5. L'artista è celebrato dalla gente di Vallauris perché ha preso un posto importante nel paese: tre anni che ha vissuto con la sua famiglia; quattro anni che ha praticato la ceramica da Madoura; due anni che ha offerto L'Homme au mouton6 alla città di cui è stato nominato cittadino onorario. Mantiene calde relazioni con molti vallauriani, di cui condivide la vita laboriosa. L'idea di fargli decorare una cappella è nell'aria: Matisse ha appena inaugurato quella delle suore domenicane a Vence; Chagall ha un progetto simile nella stessa città.
L'artista ha colto l'invito a decorare una cappella medievale della città per servire una causa politica a lui cara: quella della pace. Era proprio il periodo in cui "Picasso era in guerra con la guerra7", e ha subito immaginato di trasformare l'ex luogo di culto in un laico "Tempio per la pace8". Accettando questo invito, Picasso ha raccolto la sfida - per lui del tutto nuova - di confrontarsi con la forza architettonica di un luogo già esistente.

Lo spazio proposto è nobile ma complesso: si tratta di una cappella medievale sconsacrata, adiacente ad un edificio rinascimentale, chiamato "castello", che è in realtà un ex priorato dei monaci di Lérins. Questa bella e alta cappella cistercense è preceduta dal nartece, un piccolo vestibolo con una bassa volta che si apre direttamente sulla piazza del paese. Il racconto di Claude Roy, testimone della genesi dell'opera, ci illumina sul percorso del pensiero di Picasso: "Sogna di fare del vecchio santuario deserto una sorta di 'tempio della pace', utilizzando i due grandi pannelli e la volta dell'altare per collocare due grandi quadri e (ancora esita), al centro, sia una statua sia un terzo pannello. Il comune di Vallauris gli ha dato carta bianca9. "Picasso ha finalmente rinunciato allo spazio della cappella: "È troppo bella per essere danneggiata10", dirà più tardi, mettendo gli occhi sul piccolo piazzale che si affaccia sulla piazza del paese.

[…]

Per due mesi, Picasso lavora nel più grande segreto, spesso di notte, sotto la luce elettrica. In seguito racconta a Claude Roy del processo: "Avevo riempito interi quaderni con schizzi e dettagli, ma non avevo uno schizzo dell'insieme. Ho iniziato con la guerra. Quello che per primo mi venuto in mente stato lo scossone, la scossa, la corsa malata di quei carri funebri di provincia, malandato e squittio, che si vedono passare per le strade dei piccoli centri. Ho iniziato a destra ed è intorno a questa immagine che è stato costruito tutto il resto11."

Picasso srotola la sua composizione a fregio alla maniera di un antico bassorilievo. Da destra a sinistra: il carro della morte, trainato dai cavalli del lutto, che calpesta un libro in fiamme, viene fermato dallo scudo bianco del soldato della pace. Dall'altra parte, per la Pace, ancora una volta un fregio che inizia con un pranzo sull'erba: una famiglia intorno a un camino, poi l'azzurro del mare arato da Pegaso - emblema dell'ispirazione poetica guidata questa volta da un bambino -, un gioioso baccanale da cui parte una fantastica stabile-mobile in cui le rondini volano in un vaso e i pesci nuotano in una gabbia per uccelli. I pannelli saranno collocati faccia a faccia. Questa disposizione spaziale esprime con forza la dualità tra il male / distruzione e il bene / creazione. Crudeltà e tenerezza: due poli della creazione picassiana riuniti ma separati in assoluta, quasi manichea opposizione12.

[...]

L'opera è stata istituita nel 1954. In risposta alla ristrettezza dello spazio, Picasso aveva appena audacemente installato un'opera monumentale di quasi cento metri quadrati che ricopre le pareti e il soffitto, creando un continuum spaziale immersivo: la curvatura delle volte è trattata come un firmamento pittorico in cui regna un sole-diamante. Sulle pareti si trovano grandi allegorie la cui direzione di lettura - data dal movimento dei personaggi - va da destra a sinistra, accompagnando il movimento del visitatore mentre si muove nello spazio. Prima scopre gli orrori della guerra alla sua destra, visita la cappella romanica13  e ripercorre i suoi passi per scoprire i piaceri della pace prima di uscire di nuovo. Il riferimento ai templi antichi è evidente nelle composizioni a fregio dei dipinti ma anche nel percorso verso lo spazio sacro di un naos.
Consegnata allo Stato nel 1956, l'opera fu inaugurata solo nel 1959. Nel frattempo, è stato aggiunto un pannello finale che ha completamente stravolto la scenografia iniziale. Nel 1958, Picasso accettò di dipingere un pannello aggiuntivo: Les Quatre parties du monde14, per nascondere la porta della piazza del paese. Essendo stato condannato questo accesso diretto, l'ingresso è ora attraverso il cortile interno del priorato: il visitatore entra prima nella cappella romanica con la sua austerità cistercense, poi scende qualche gradino per immergersi nell'opera di Picasso, illuminata solo da lampade elettriche nascoste dietro un muro di mattoni.
Lo spazio chiuso, privato della luce naturale, ora evoca una grotta con pitture rupestri. Picasso esclamava: "Non è molto luminoso in questa cappella, e vorrei quasi che non fosse acceso, che i visitatori avessero in mano delle candele, che camminassero lungo le pareti come nelle grotte preistoriche, scoprendo le figure, che la luce si muova su ciò che ho dipinto, un po' di luce di candela15... ". In realtà, il lume di candela è insufficiente, ma a volte vengono offerte visite alla luce delle fiaccole, un rituale che si riferisce alle grotte preistoriche. Questo riferimento diventerà costante, soprattutto dopo che Georges Salles16, che ha inaugurato il luogo, lo ha paragonato a Lascaux. Il tempio si è trasformato in una grotta.

1 Guerra e Pace
2 Il Carnaio
3 Massacro in Corea
4 Questo termine architettonico si riferisce a un vestibolo o piazzale di un edificio religioso.
5 Intorno a lui, alcuni vallauriani, tra cui René Batigne (1888-1982), stavano infatti lavorando duramente per creare un museo per Vallauris, organizzandovi delle mostre nella cappella, una delle prime delle quali nel 1949 includeva L'Homme au mouton (L'uomo con la pecora).
6 L'Uomo con le pecore
7 Roy, 1954, p. 39.
8 Françoise Gilot ha riferito che Picasso non ha usato il termine "Tempio della Pace", ma si riferiva al titolo dell'opera, Guerra e Pace. Tuttavia, l'indiscutibile fortuna critica del termine, sistematicamente ripresa dalla stampa o anche da amici come Claude Roy, giustifica che si continui a farvi riferimento.
9 Roy, 1954, p. 35.
10 Georges Tabaraud, "L'hommage à Pablo Picasso de dimanche prochain", in Le Patriote de Nice et du Sud-Est, 26 giugno 1958.
11 Roy, 1954, p. 42.
12 Nel 1953, al termine dei lavori, Picasso realizza nuovi disegni su questo tema: le forze della guerra e della pace si confrontano poi spesso direttamente sulla stessa pagina.
13 Picasso ha pensato per un po' di tempo di aggiungere un elemento alla cappella - una colomba, tra le altre idee - prima di rinunciarvi.
14 Le quattro parti del mondo
15 Roy, 1954, p. 43.
16 Georges Salles (1889-1966), storico dell'arte, amico di Picasso.